Le Portugal a émergé des ténèbres de la guerre, de la Reconquista (« Reconquête ») plus précisément. Un jeune prince d’un petit comté a saisi sa chance de créer une nation à partir du chaos du 12e siècle — usant de ruse et de persévérance, il a fait une incursion dans les terres mauresques au sud.
La guerre n’était pas une nouveauté pour cette région connue aujourd’hui sous le nom d’Alentejo. Ses terres ont été foulées par nombre d’envahisseurs des nations celtes, de la Grèce, de Carthage et par les Maures d’Afrique du Nord.
Certes, il y a eu de longues périodes de paix et de prospérité éclatante pendant la pax romana et la Renaissance portugaise.
Mais, les plaines et le soleil de l’Alentejo ont facilité en quelque sorte l’intrusion d’occupants espagnols et français. Les fortifications, les forts et les châteaux ont poussé comme des champignons pour se porter à la défense de la région et de sa longue frontière. Il y a d’abord eu les anciennes villes fortifiées, puis les villes de garnison romaines. Leur ont succédé les forteresses mauresques et enfin, les châteaux construits pendant des siècles non pas pour accueillir les seigneurs, mais pour défendre la jeune nation portugaise et la route de Lisbonne.
Aujourd’hui, l’on prend plaisir à explorer ces reliques anciennes en partie parce qu’elles offrent un vaste panorama et ouvrent une perspective unique sur l’Alentejo.
Les lignes du Tage
Le fleuve Tage (Tejo en portugais) constitue non seulement la limite nord de l’Alentejo, mais il donne aussi son nom portugais à l’Alentejo (littéralement « au-delà du Tage »). Les lignes de défense ont été établies le long du Tage en vue de protéger le jeune pays de l’invasion des Maures au sud du fleuve au 12e siècle. Plusieurs châteaux impressionnants montent encore la garde du Tage. Commençons par Montalvão.
Montalvão
Au 12e siècle, le village de Montalvão a été fortifié en raison de sa position stratégique à la frontière avec la Castille et les terres mauresques au sud.
Les templiers ont construit et défendu le château, et encore aujourd’hui, ses simples murs en ruine entourent le village d’une longue série de parapets, sans aucune tour, accessibles par une seule porte, un humble début des puissantes lignes du Tage.
Belver
Le roi Sanche Ier a compté sur les chevaliers de Saint-Jean de l’Hôpital pour construire en 1194 un château sur une colline surplombant le Tage, nommé Belver. En 1350, c’est l’Ordre de Crato qui a pris la défense du château. Le château de Belver servait de base pour mener des attaques dans le sud. Ses hauts murs et son impressionnant donjon visaient à dissuader l’ennemi d’accéder au Tage. Encore aujourd’hui, ce château surplombe une haute colline bordant les rives vertes et jaunes du Tage et dévoilant un joli village en toile de fond. Les murs bien préservés offrent une vue impressionnante sur le Tage. Le château porte d’ailleurs bien son nom, car Belver signifie charmant à voir.
Amieira do Tejo
Avec son château massif, flanqué de quatre tours, Amieira est unique. Aucun autre château portugais n’a le même aspect carré ni se trouve aussi près des rives du Tage. Le château a été reconstruit au 14e siècle par Álvaro Gonçalves Pereira, un chevalier devenu moine et père du légendaire Nuno Álvares Pereira. L’ordre des Hospitaliers avait édifié cet imposant château entre 1350 et 1360 pour servir de forteresse. D’ailleurs, la conception du château Amieira do Tejo en témoigne : une architecture militaire gothique précoce, un plan géométrique ayant la forme d’un quadrilatère avec une tour à chaque coin. La tour principale, bien conservée, offre une magnifique vue panoramique des rives du Tage.
Almourol
Situé sur un minuscule îlot au milieu du Tage, le château d’Almourol se dresse fièrement au-dessus des eaux calmes. Ce château, qui n’a jamais été attaqué, est l’un des plus authentiques du 12e siècle sur le plan de la conservation de sa conception d’origine. Avant même l’arrivée des Romains, un fort défendait l’îlot. En 1171, les Templiers sous les ordres de Gualdim Pais, maître de la région, érigent un nouveau château pour consolider les lignes du Tage. Le château, imposant, ressemble à un navire de pierre.
Avec la défaite des Maures en 1249, Almourol perd sa valeur militaire et tombe dans l’oubli. Les vandales, les voleurs de pierres et les armées d’invasion délaissent le château en raison de son emplacement, sur un ilot. C’est la raison pour laquelle il est demeuré intact. Le plan du château est simple : un haut mur de chaque côté et un mur au milieu du haut donjon. Une série de tourelles rondes défendent les remparts et un double mur crénelé jaillit comme une proue à l’est. Un petit bateau transporte les visiteurs vers le château et son île enchantée demeurée un haut lieu de légendes.
Santarém
Perchées sur une colline, les fortifications en pierre de Santarém remontent à des millénaires. Les Romains l’appelaient Scalabi Castro. Le premier roi du Portugal s’empara de la ville en 1147 en la prenant d’assaut par surprise la nuit. De nouveaux conflits surviendront au 14e siècle avec le renforcement des défenses. Durant la crise de la fin du 14e siècle, la reine consort Leonor Teles s’y est réfugiée, attendant le soutien des Espagnols pour tenter de fusionner le Portugal et l’Espagne. Aujourd’hui, les vestiges du château abritent un joli parc appelé Portas do Sol (« Portes du soleil ») qui abrite une statue du roi Alphonse Ier (Afonso Henriques en portugais). Les murs de Portas do Sol offrent une vue imprenable sur les plaines et la vallée du Tage.
A Raia
A Raia (la « bande » en portugais) délimite la frontière entre l’Alentejo oriental et l’Espagne. Cette bande de terre s’étend des montagnes de São Mamede à la vallée de la Guadiana jusqu’à l’Atlantique. Le nord-est de l’Alentejo, fortement fortifié, présente une succession de châteaux et de forts érigés pour décourager les étrangers indésirables.
Voici les forteresses et les châteaux de la région :
Flor da Rosa, Crato, Alter do Chão, Alegrete, Arronches, Estremoz, Borba, Vila Viçosa, Portalegre, Fronteira, Evora, Evoramonte, Alandroal, Monforte, Terna, Portel, Vidigueira, Moura, Serpa, Juromenha et Beja
Marvão
L’imposant château de Marvão surplombe le village de Santa Maria de Marvão, à quelques kilomètres de l’Espagne. Marvão est considéré comme un lieu de convergence, où se mêlent Celtes, Vettons, Romains lusitaniens, Suèves, Vandales, Wisigoths, Maures, templiers et Portugais (et Castillans à l’occasion). De nos jours, l’on y rencontre souvent des visiteurs espagnols ainsi que dans le joli village de Castelo de Vide, situé tout près.
Marvão est un véritable « nid d’aigle ». Cette ville fortifiée est juchée au sommet d’une montagne de granit et bordée par la rivière Sever au sud et à l’ouest. En 1299, elle a été rebâtie par une jeune nation portugaise souhaitant dissuader les envahisseurs. Pour cette raison, un jeu de clé figure bien en vue sur les armoiries du village. Les murs et le château, intacts, laissent encore une impression d’invincibilité et de hauteur. Lorsque le ciel est dégagé, le paysage s’étale sur des kilomètres à la ronde, offrant une vue impressionnante sur la vallée du Tage et sur la serra de Estrela au nord. Marvão, qui ne compte que 3000 habitants et qui est considérée comme la clé de la frontière, conserve son titre de « Mui Nobre e Sempre Leal Vila de Marvão » (ville très noble et toujours loyale).
Elvas
Un vieux dicton dit : « Elvas, avec vue sur Badajoz ». Ville frontalière, elle aussi située dans la province d’Alentejo. Les murailles d’Elvas gardent toujours la route vers Lisbonne. Mais cette ville de lumière a été puissamment refortifiée entre le 17e et le 19e siècle pour offrir le plus grand système défensif de fossés secs au monde. Les murs massifs d’Elvas renferment une multitude de casernes et d’autres bâtiments militaires de même que des églises et des monastères. La cité a probablement toujours été fortifiée, mais de nouveaux forts et murs ont été ajoutés pendant la guerre de Restauration. L’endroit comporte également l’aqueduc d’Amoreira, construit pour que la ville puisse résister aux longs sièges.
De nos jours, Elvas se vante de compter une douzaine de petits forts. Le système défensif à fossés secs de la ville fortifiée est considéré comme un chef-d’œuvre. Le Patrimoine mondial le décrit comme « une démonstration exceptionnelle du désir de possession de terres et d’autonomie du Portugal, représentant les aspirations universelles des États-nations européens aux 16e et 17e siècles ». La ville historique offre de nombreuses options d’hébergement. Les places principales offrent des boutiques et des endroits où manger de même que plusieurs kilomètres de murailles et de remparts à escalader et à explorer.
Monsaraz
Monsaraz a été, depuis les temps préhistoriques, une colonie fortifiée. Cette cité médiévale possédait une grande valeur militaire du fait qu’elle surplombait la colline qui domine encore une vallée, avec vue sur le fleuve Guadiana et la frontière avec l’Espagne. La ville est prise aux musulmans par Geraldo Sem Pavor (ou Gérald l’intrépide), en 1167. En 1232, le roi Sanche, assisté par les Templiers, la rend portugaise.
Aujourd’hui, Monsaraz est un musée à ciel ouvert. Juché sur une colline, le village de Monsaraz, qui a conservé ses remparts d’origine, surplombe le lac Alqueva, le plus grand lac artificiel en Europe (et la ville fortifiée de Mourão de l’autre côté du lac.) La lumière réchauffe les maisons blanchies à la chaux et les rues pavées. En explorant Monsaraz, c’est comme si on remontait le temps. Et il y a beaucoup à voir et à expérimenter dans cet endroit charmant.
Mértola
S’élevant au-dessus d’une colline, Mértola a toujours attiré les gens par son patrimoine et son cadre naturel à couper le souffle. Faisant face à l’Espagne, Mértola surplombe le fleuve Guadiana. Elle était autrefois connue sous le nom de Myrtillis Romana à l’époque des Romains. Les Romains tombèrent aux mains des barbares au 4e siècle. Au 8e siècle, les Maures d’Afrique du Nord ontn apporté une nouvelle période de prospérité. En 1238, le roi portugais Dom Sancho II capture la ville et la remet à l’ordre de Saint-Jacques. En 1300, de nouvelles fortifications ont été érigées. Les enceintes sont restées en reconstruction constante avec l’Espagne juste de l’autre côté du fleuve. De nos jours, Mértola est un bijou archéologique. Les excavations permettent de découvrir les restes des nombreuses personnes qui ont été à la tête du pouvoir de la ville au cours de 3000 dernières années. Ses murs renferment une magnifique ville prospère, où foisonnent les maisons modestes, les vieux canons et les fleurs. Sa vaste citerne et son château témoignent du passé belliqueux de la cité. La ville se targue également de posséder la seule mosquée mauresque encore intacte au Portugal. La mosquée carrée, qui sert aujourd’hui d’église, illustre de façon unique les richesses d’antan du Portugal arabe.